Où sont les mineurs non accompagnés et disparus après leur arrivée en Europe?
31 août 2016
Un scandale peut en cacher un autre. Depuis le début de l’année, au moins 3’165 migrants sont morts en Méditerranée. Cela représente une hausse par rapport à la même période en 2015. Elle s’explique par l’application de l’honteux accord conclu en mars entre l’Union européenne et la Turquie, forçant les réfugiés et autres migrants à prendre la mer dans la zone nettement plus dangereuse entre la Libye et l’Italie, plutôt que de passer par les eaux grecques. Toutefois, selon l’Organisation internationale pour la migration (OIM) à Genève et EUROPOL à Lyon, un autre changement structurel s’est également produit depuis un an: de plus en plus d’enfants et d’adolescents de moins de 18 ans tentent la traversée. Ils représentent désormais environ un tiers des survivants (et donc probablement aussi des noyés anonymes en mer). La plupart d’entre eux sont accompagnés par un ou les deux parents. Cependant, un nombre croissant de garçons et de filles se réfugient seuls ou en petits groupes en Europe. Ils fuient la guerre, les mariages forcés, la faim, l’insécurité.
Personne ne connaît, ne serait-ce qu’approximativement, le nombre de mineurs non accompagnés ayant réussi à joindre la rive Nord du Mare Nostrum, ni où ils se trouvent à présent. On sait seulement que l’année dernière, 85’482 filles et garçons non accompagnés avaient déposé une demande d’asile en Europe, dont 50% d’Afghans. Beaucoup d’enfants et d’adolescents non accompagnés n’y ont même pas songé, ou se sont volatilisés par la suite. D’autres, porteurs de faux papiers, ont renseigné un âge qui ne correspond pas à la réalité. EUROPOL a avancé en février l’estimation de 10’000 garçons et filles non accompagnés disparus à un moment ou à un autre après leur arrivée en Europe. De toute évidence, à l’heure actuelle ce chiffre doit être fortement revu à la hausse. Car pour la seule Allemagne, l’Office fédéral de police criminelle (Bundeskriminalamt) à Wiesbaden vient de recenser 8’991 migrants mineurs disparus, sans même compter ceux qui n’ont jamais été enregistrés nulle part. Dont 867 enfants de moins de 13 ans. Où sont-ils? Combien sont-ils dans les autres pays européens, et que leur est-il arrivé?
S’il est présumable que la grande majorité d’entre eux a pu rejoindre, d’une façon ou d’une autre, des membres éloignés ou des amis de la famille qui se trouvent quelque part en Europe en situation irrégulière - ce qui ne signifie pas pour autant qu’ils soient à l’abri d’abus - on peut également craindre qu’un pourcentage non négligeable de ces milliers de filles et de garçons disparus finissent dans les réseaux de vente de drogues, de terrorisme, d’exploitation par le travail, et surtout de prostitution et de pédophilie. Ceux-ci semblent avoir restructuré leurs recrutement et activité criminelle abjecte pour pleinement profiter de la nouvelle donne migratoire. Un mineur sans attaches ni espoir s’avère être un individu particulièrement vulnérable et fragile, et donc manipulable et exploitable.
Les Etats européens, ainsi que l’Union européenne et le Conseil de l‘Europe, se trouvent dans l’obligation juridique et morale d’accorder une protection particulière aux enfants et adolescents de moins de 18 ans, indépendamment de leurs statuts administratifs et des raisons de leur séjour en Europe. Nous sommes en face d’une défaillance politique de grande ampleur: pourquoi les pouvoirs publics en Europe ne se mobilisent-ils pas davantage pour identifier, repérer et protéger les mineurs isolés disparus? Pourquoi le problème ne semble même pas exister pour certains gouvernements, dont celui de la France? Comment se fait-il que la disparition de probablement beaucoup plus que 10’000 enfants et adolescents de moins de 18 ans, courant tous les dangers, soit à un tel point un tabou en Europe que les médias ne s’y intéressent pratiquement pas?